Alors que le Conseil scientifique vient de rendre son avis sur les élections municipales, j’ai cosigné une lettre ouverte au Président de la République avec d’autres candidats appelant à reporter l’élection d’un an. Le 1er tour a été faussé. Le 2ème tour ne doit pas être bâclé ! Une élection en plein état d’urgence, ça n’est pas la démocratie.
➡ Extraits choisis du Conseil Scientifique :
– » D’un point de vue sanitaire, le Conseil scientifique souligne les risques majeurs liés à la campagne électorale et plus singulièrement aux meetings électoraux ainsi qu’aux actions des candidats ayant pour effet des rencontres ou des rassemblements physiques (distribution de tracts, porte à porte, réunions publiques, réunions d’appartement). D’autres modalités de campagne, certes limitées mais égales pour tous les candidats, peuvent être envisagées, notamment à travers l’usage du numérique. »
– » Le Conseil scientifique recommande le port du masque et d’une visière (avis du HCSP du 13 mai 2020) pour toutes les personnes participant à des opérations de campagne dans le souci de les protéger »
– » Le port de masques est préconisé pour les électeurs, qui doivent pouvoir en disposer. Le port de masques chirurgicaux (et non de masques grand public) doit être obligatoire pour les membres du bureau et les personnes participant à l’organisation du scrutin, qui doivent aussi bénéficier d’une visière de protection. »
– » Un nombre minimum de personnes doit participer au dépouillement, dans le respect des distances minimales (1 mètre au moins de chaque côté et 4m2 par personne
statique dans un espace clos). »
Lettre ouverte au Président Macron
Monsieur le président de la République,
Le Premier ministre a déclaré à l’Assemblée Nationale qu’il ne souhaitait pas que la crise sanitaire soit synonyme de crise démocratique. Alors que 30000 conseils municipaux élus dès le premier tour du scrutin municipal vont être installés avant la fin du mois de mai, près de 5000 communes doivent effectuer un second tour de scrutin.
Depuis quelques jours, en plein état d’urgence sanitaire, les déclarations se multiplient pour organiser au plus vite le second tour (ou les deux tours) des élections municipales dans des conditions inacceptables politiquement, juridiquement, financièrement. Nous, candidats aux élections municipales, ne souhaitons pas voir l’élection préférée des Français bâclée alors même qu’elle détermine l’avenir de nos communes pour les 6 années à venir.
Le succès d’une démocratie se mesure à l’aune de la participation des électeurs au scrutin. Avec une baisse de 20 points de la participation le 15 mars par rapport aux dernières élections municipales, la démocratie n’a pas pu s’exercer ni correctement, ni librement. Alors que les injonctions contradictoires se sont multipliées jusqu’à la veille du scrutin et n’ont pas permis d’assurer la sérénité nécessaire au scrutin, le premier tour est déjà entaché d’illégitimité politique.
Pour le second tour, personne ne sait prédire si d’ici juin ou octobre l’épidémie sera jugulée. Va-t-on de nouveau prendre le risque d’une démocratie de l’abstention ? Nous nous y refusons.
Organiser des élections municipales lorsque nos citoyens ont la peur au ventre, c’est ajouter une « prime coronavirus » à la « prime aux sortants ».A ce titre, le 15 mars a été édifiant avec un nombre inédit de maires sortants réélus dès le 1ertour. En période d’incertitude, logiquement, les rares électeurs choisissent la stabilité et donc le pouvoir en place. 10 jours avant le scrutin, les Français ne parlaient déjà plus que du coronavirus. Veut-on revivre la même chose en organisant un scrutin dans la précipitation ? Dans ce cas, autant nommer les maires sortants directement !
Dans une démocratie, l’élection doit être juste, après une campagne équitable et une égalité de moyens. C’est pour cela que 6 mois avant tout scrutin, la communication et les nouvelles actions des exécutifs sortants sont encadrées strictement par la Loi.Ce n’est pas le cas aujourd’hui, ça ne sera le cas ni en juin, ni même en septembre.Alors que le confinement a mis en première ligne les maires sortants, dotés des pleins pouvoirs pour l’occasion, certains n’ont pas hésité à multiplier les actions à visée électoraliste. Lorsque des candidats étaient confinés, les concurrents sortants continuaient de promouvoir leurs actions avec les moyens municipaux dont ils ont encore l’usage, à coup d’opération de communication, sous couvert de lutte contre le COVID-19.Où est l’équité et l’égalité entre candidats dans ces conditions ? Une zone de non droit où seul le maire sortant s’exprime et fait campagne, est-ce cela la définition d’un « entre deux tours » sincère ? Les comptes de campagne reflèteront-ils toutes ces actions inédites en période électorale ? Nous connaissons déjà les réponses à ses questions…
Cet état de fait est une déchirure du pacte démocratique, pour tous les candidats non sortants mais plus généralement pour les français, empêchés de choisir leur maire dans de bonnes conditions.
La conclusion s’impose d’elle-même : les Français n’ont pas la tête aux élections.Et ils ont raison. Ils craignent pour leur santé pour encore de longues semaines. En septembre, ils seront inquiets sur la sauvegarde de leur emploi et le « vrai » retour à l’école de leurs enfants.
Alors, de grâce, Monsieur le président de la République, vous qui êtes garant de nos institutions, dans l’esprit comme dans la lettre, il en va de la sérénité du pays, n’ajoutons pas à la crise sanitaire, économique et sociale, une crise de légitimité de notre démocratie locale, déjà mise à mal le 15 mars. Privilégions la sagesse et la sérénité et reportons, comme nos voisins britanniques l’ont fait, à 2021 les élections municipales.